Du constat aux hypothèses:
L’analyse de l’activité du lecteur expert et l’observation de l’apprenti-lecteur en difficulté a fait l’objet de nombreux ouvrages ou interventions dont on trouvera la trace sur Internet. Inutile donc d’y revenir ici : on pourra se référer à Fayol, Goigoux, Giasson, Ouzoulias, Van Grunderbeck, … et j’en oublie.
S’il est facile de s’accorder sur les constats – ils ne comprennent rien à ce qu’ils lisent - il est beaucoup plus difficile d’identifier la source de la difficulté, les sources devrais-je dire, car celles-ci sont rarement isolées: c’est pourtant sur ces causes profondes qu’il faudrait intervenir.
Faut-il préciser que certains de nos élèves arrivent au CE2 sans avoir compris ce que « comprendre un texte » signifie ? Ils sont souvent restés, à notre insu, sur une représentation fausse et réductrice de la lecture, issue de l’apprentissage initial : lire, c’est décoder de la façon la plus fluide possible et obtenir ainsi l’assentiment de la maîtresse. Ceux-ci sont faciles à reconnaître : ils lisent le texte au km, sans jamais s’arrêter et ne peuvent souvent rien en dire.
Ces élèves n’ont aucune idée de ce qu’il faut mettre en jeu pour comprendre seul un texte ? L’école fonctionne encore beaucoup sur la valorisation du résultat, par validation ou invalidation des réponses, les procédures restant alors dans le domaine de l’implicite. Ce type de fonctionnement encore très présent à l’école (chez nous tous, faute de temps et parfois de formation) n’encourage pas nos élèves en difficulté, à engager leur pensée au service de la réalisation de la tâche proposée : il savent que la bonne réponse viendra, issue du groupe ou du maître et qu’il n’y a qu’à attendre !
Si on ajoute à cela des difficultés langagières et culturelles, on prendra la mesure de la difficulté pour le maître.
Il reste enfin un obstacle rédhibitoire… Le manque d’estime de soi qui empêche la prise de risque que constitue tout apprentissage. L’échec répété décourage définitivement : tout individu a besoin de réussite pour oser se confronter à l’erreur possible !
Alors comment faire ?
Je vous propose ici une hypothèse de travail, quelques contenus « clé en main » illustrant un parti-pris pédagogique transférable, ainsi qu’une démarche associant l’élève à la construction du savoir, sans nier le rôle tout aussi fondamental du maître qui organise les enseignements et qui pourra, lui aussi, expliquer comment il fait pour réaliser la tâche.
Enseigner la compréhension : le parti-pris d’instit90 :
•Un texte est étudié dans sa complexité, à travers plusieurs activités visant la compréhension du texte et l’appropriation de méta-connaissances sur la lecture compréhension (pour lire et comprendre, je sais qu’il faut que je…).
•Le choix du texte : ni trop facile ni trop dure ! Toute tâche scolaire peut être simplifiée en agissant sur l’un de ses paramètres : on pourra ainsi, en fonction des objectifs du maître, simplifier un texte sans le rendre « implexe », pour ne pas multiplier les obstacles et centrer l’activité de l’élève sur un seul aspect du problème. On parle alors d’aménagement du texte. Exemple 1: si le maître souhaite faire travailler ses élèves sur la capacité à réguler une tâche de lecture-compréhension (ex : lecture individuelle suivie d’une restitution orale du texte), alors il réécrira le texte pour en supprimer toute difficulté lexicale et syntaxique.
Exemple 2 : si le maître veut soutenir le travail de régulation dans sa phase de contrôle, il peut proposer des textes segmentés en paragraphes. > Le texte ainsi présenté accompagnera l’élève dans la mise en œuvre des procédures enseignées : pour lire et comprendre, il faut faire des pauses, faire le point sur ce qui vient d’être lu, etc…
•L’identification, par les élèves, d’obstacles à la compréhension, peut renvoyer, dans une démarche spiralaire, à des exercices d’entraînement décrochés dont on connaît le but (inférences, chaînes anaphoriques, signes morphosyntaxiques, …) .
•L’outillage procédural d’élèves qui ne se questionnent pas sur l’objet d’apprentissage fonctionne pas ou mal : les mises en œuvre proposées ici cherchent à créer les conditions du conflit socio-cognitif amenant les élèves à s’opposer sur les résultats et à se questionner sur le problème posé… Dans ce cadre, le maître ne valide ou n’invalide pas : il renvoie au groupe (qu’en pensez-vous, expliquez, justifiez, reformulez,… ) et aide à la formulation du savoir. Il n’hésite pas, si nécessaire, à expliquer comment lui, il fait.
•Dans ce cadre, le maître amène les élèves à faire des liens entre les différents apprentissages : pourquoi faisons-nous cet exercice ? Qu’avons-nous fait récemment qui nous aidera à faire ce travail ? A quel exercice déjà fait vous fait penser celui-ci ?
Conclusion : quelques principes généraux qui doivent organiser nos séances de lecture:
•Aménager le texte pour l’adapter au niveau des élèves et aux intentions du maître
Segmenter en paragraphes pour soutenir la régulation de la tâche (repères de pauses compréhension-mémorisation )
Numéroter les lignes et les paragraphes pour différencier la tâche de recherche d’infos : possibilité d’indiquer aux élèves plus faibles où on peut trouver l’info ;
Etc. …
•Amorcer le texte avant lecture individuelle
Pour créer de l’appétence (ex : sur un texte portant sur une partie de pêche, on pourra lancer une discussion : qui est déjà allé à la pêche ?)
Pour donner quelques connaissances culturelles sur l’univers du texte (comprendre un texte, c’est mettre en lien les infos trouvées dans le texte et ses connaissances personnelles sur le sujet)
•Restituer l’histoire
Un élève raconte, faire jouer les interactions entre élèves (éviter la validation du maître, retourner au texte autant que nécessaire)
Modéliser une procédure de mémorisation : comment faire pour garder en mémoire les éléments de l’histoire? (exemple : s’entraîner à la lecture morcelée avec empilement : lire extrait 1 et raconter, lire extrait 2 et raconter 1+2 ; lire extrait 3 et lire 1+2+3)
•Répondre à une question dont la réponse est dans le texte ou dans la tête
Savoir où on peut trouver la réponse : dans le texte, en jouant les détectives (indices et connaissances personnelles)
•Une première lecture individuelle
On ne lit pas silencieusement sans intentionnaliser la lecture (ex : lire pour identifier les personnages, lire pour raconter l’histoire sans l’aide du texte, …)
•Lecture orale et agréable
On ne fait pas lire un texte oralement avant de l’avoir compris : la lecture orale collective arrive donc en fin d’étude du texte.
Cette lecture orale est préparée : recherche des groupes de sens, ponctuation, repérage et surlignage des dialogues, … Elle fait l’objet d’un entraînement individuel à haute voix dans la classe.
•Pédagogie explicite
On dit comment on fait et on s’exerce sur les procédures identifiées ; pas de stabilisation des savoirs sans répétition. (répétition et fréquence des entraînements)
Chaque tâche est accompagnée d’une réflexion sur le comment faire par retour individuel sur l’action : cette réflexion de type métacognitif est appuyé par des guides procéduraux issus des échanges entre élèves et élèves-maître
Le maître s’autorise à dire comment il fait pour résoudre la tâche ;
Quand on travaille sur le texte ou un extrait de texte, celui-ci est reproduit au tableau pour que tout le monde sache de quoi on parle : rester au seul traitement « oral » augmente l’abstraction du propos;
•Exercices décrochés :
Exercices structuraux à l’oral puis à l’écrit ;
Inférences, chaînes anaphoriques, signes morphosyntaxiques, connecteurs, …
Proposition de ressources pour enseigner
Je n'ai pas eu le temps de mettre en forme tous mes contenus... Je vous propose donc une compilation de ce que l'on trouve sur INTERNET
¨Enseignement explicite de la compréhension: Groupe Départemental de Prévention de l'Illettrisme -36
Ateliers de lecture "Je lis, le comprends" CE1 Ateliers de lecture "Je lis, je comprends" cycle 3
- Présentation et séances préparatoires: CE2 CM2 - Présentation des ateliers: CE2 CM1 CM2
¨ Le Réseau des Observatoires Locaux de la Lecture Mayotte - ROLL
¨ Circonscription Vaulx en Velin
- Cycle 3: inférences, anaphores, marques morpho-syntaxiques, hypothèses, ... :
¨ Sur des blogs d'enseignants
Lire des inférences: "Où peux-tu entendre ces messages ?"
Des textes avec questionnaires, comme supports à un travail cognitif: